En paix et jusqu’au mur

Je coupe au couteau les coins de ma bouche, je suis tout sourire. Le siècle est un souper qui se trempe, s’arrose, s’asperge, se douche, s’inonde. J’apprends à respirer sous l’eau, à jurer du beau temps, je fais mon âge et je l’entends gémir, chaque mois, de corvée de culotte et de jours enclos. C’est par considération que je meurs.

 

Je tourne autour des soleils jusqu’à ce que l’un d’eux me rajeunisse.

 

Alors j’ai la joie et trois ans; pardonnez ma voix borgne, pardonnez l’enthousiasme, les mensonges de rien, le rire aigu, je suis un entrepôt de boue, d’agrumes et de limon où pousse un chapeau de fête.

 

Laissez la pourriture recouvrir les murs de mes écoles.

 

Demain j’irai mieux, je dormirai clouée à mes écrans, attachée à mes personnages de série, nous à nouveau, grouillantes de passés simples, pourries d’espérance, flanquées des versions les plus pâles du Christ. Je ressusciterai par balle, par colis, par habitude.

 

Nous aurons toujours de quoi veiller.

Référence bibliographique

Daria Colonna, « En paix et jusqu’au mur », Ne faites pas honte à votre siècle, Montréal, Poètes de brousse, 2017, p. 64-65. 

Commencez ici :